Les progrès de David en lecture furent rapides et stupéfiants; d’une semaine à l’autre, il dévorait toujours plus de livres et d’albums, avec un appétit particulier pour les récits d’aventures, les histoires humoristiques. Son petit frère avait fini par se joindre à nous dès son retour de la garderie et à nous écouter religieusement.
Au fur et à mesure des séances de lecture du mardi, voyant son fils sortir de sa coquille et prendre peu à peu confiance en lui tout en ayant de bien meilleurs résultats scolaires, la maman finit par se rasséréner.
Un jour où j’étais prête à partir à la fin d’une séance de lecture mémorable où ses fils et moi avions bien ri, elle me suivit jusque dans l’escalier pour me dire, les larmes aux yeux, que j’étais la première personne du Québec – en dehors de sa famille – à venir chez elle, dans sa maison, alors qu’elle vivait à Montréal depuis 10 ans… et que cela lui faisait un bien fou et qu’elle voulait m’en remercier.
Quelques semaines plus tard, elle s’adressa à moi avec quelques mots de français. J’étais intriguée. Que s’était-il donc passé? Elle m’expliqua non sans fierté, qu’à son travail (elle tenait un kiosque à journaux dans un centre commercial très achalandé), elle avait surmonté sa peur et avait commencé à échanger quelques mots avec ses clients, surtout des personnes âgées très gentilles, très patientes, et que celles-ci lui avaient offert de l’aider à apprendre le français en conversant avec elle. Il y avait donc eu un déclic, elle avait compris que pour sortir de son isolement, il lui fallait communiquer…
Lorsque j’ai terminé ma seconde année auprès de cette adorable famille en juin 2018, j’ai quitté un David beaucoup mieux dans sa peau, passionné de lecture, et une mère rayonnante, capable de tenir les bases d’une conversation en français. Quant à moi, je ne saurais exprimer le sentiment de joie profonde de voir le visage d’un petit garçon s’éclairer au fur et à mesure qu’il apprivoise les mots.